Une réunion publique s’est tenue à Brassac (Tarn) vendredi 26 janvier, en présence des élus locaux – présidente de la communauté de communes Sidobre Vals et Plateaux, maires de Brassac et du Bez – et de plus de cent participants. Il s’agissait d’informer les habitants à l’occasion de l’enquête publique en cours, visant une modification du SCOT et du PLUI en vue du déclassement de 6 hectares de terres agricoles en zone industrielle, pour permettre au groupe SIAT de s’étendre.
Le site aujourd’hui… et demain. Le clocher à gauche donne l’échelle. Toutes les terres agricoles jusqu’à la haie seront (ou seraient ?) artificialisées, la plupart sont déjà classées « industrialisables »..
Les intervenants associatifs ont fait découvrir aux élus et aux habitants, les multiples infractions au code de l’environnement relevées par la DREAL d’Alsace sur le site alsacien du groupe SIAT qui conduisent à mettre en doute le caractère « vertueux » de ses projets dans le Tarn. Ils ont montré la gravité des enjeux quantitatifs et qualitatifs, liés à la ressource en eau, que soulève une telle installation industrielle. Ils ont expliqué les déséquilibres que les ambitions manifestement excessives du groupe SIAT pourraient produire tant sur la ressource forestière régionale que sur l’ensemble de la filière économique bois-forêt d’Occitanie.
Les associations ont demandé au préfet du Tarn l’annulation de l’enquête publique, en raison d’une modification substantielle du projet intervenue en cours de procédure, compromettant sa validité ainsi que celle des avis requis qui ont été recueillis en amont. Elles ont renouvelé leurs demandes adressées au préfet de Région et à Mme Delga, par courrier du 9 novembre dernier, restées sans réponse à ce jour :
- que soit diligentée une étude sur la capacité des forêts résineuses d’Occitanie à répondre à court, moyen et long terme, aux besoins de l’ensemble des industries de transformation du bois dans la région en tenant compte des objectifs de production du projet tarnais du groupe SIAT, dans le contexte du réchauffement climatique, de ses effets directs sur les forêts et des changements nécessaires des pratiques sylvicoles. Tout laisse à penser que les plantations de résineux d’Occitanie sont en cours de décapitalisation, aggravée par les effets actuels du réchauffement climatique, phénomène constaté depuis plusieurs années.
- organiser une concertation élargie à tous les professionnels du secteur de toute la région – le projet SIAT vise quasi intégralement la ressource forestière d’Occitanie -, aux élus et aux associations de protection de la nature et de l’environnement. Certains professionnels de la filière bois nous ont fait part de leurs inquiétudes face à la démesure de ce projet. Ils souhaitent comme nous que soit appliquée une recommandation de la Stratégie pour des forêts d’Occitanie résilientes au changement climatique dans sa mesure 23 : Systématiser les démarches de concertation en amont des implantations de projets industriels de transformation du bois. Cette concertation apparaît d’autant plus nécessaire que 3 échecs industriels se sont succédé sur ce site au cours des 2 décennies passées, entraînant avec eux des coûts perdus pour la collectivité.
Le projet tarnais de SIAT est présenté comme une reproduction de leur site à Urmatt (Bas-Rhin). On peut donc anticiper les points de vigilance à exercer :
- Besoins en eau : le site SIAT d’Urmatt nécessite environ 500 000 m³ d’eau. Les volumes totaux d’eau potable délivrés annuellement aux habitants de Brassac et Le Bez sont respectivement de 70 000 et 50 000 m³.
A Urmatt, un rapport récent (2022) de l’inspection des installations classées fait état de pollutions des eaux de surface et souterraines à des « concentrations supérieures à la limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine depuis plusieurs années » pour des substances biocides particulièrement toxiques. Au voisinage immédiat du site de Brassac se trouve l’Agout, principale ressource pour la production d’eau potable de la ville de Castres et ses 43 000 habitants. - Ressource forestière : SIAT souhaite plus que doubler la production de la scierie existante à St Agnan pour atteindre ou dépasser les 500 000 m3. Or, la forêt française est gravement affectée par le changement climatique : mortalité accélérée des arbres et ralentissement global de leur croissance. Les professionnels du secteur craignent un épuisement des réserves de bois résineux (celui qui intéresse SIAT) d’ici 8 à 15 ans au rythme actuel d’exploitation.
- Centrale de cogénération de 25 MW : ses effluents aériens, autorisés réglementairement, représenteraient environ 200 tonnes par an de polluants divers ( oxydes d’azote, métaux lourds, métalloïdes, dioxines, composés organiques volatils…). Se situent entre 50 et 1000m : un Collège, 2 lotissements, 3 hameaux.
- Trafic routier. A terme, une fois la capacité de production nominale atteinte, l’augmentation du trafic routier poids lourd serait considérable. Les données disponibles conduit à une estimation pouvant atteindre les 160 camions par jour, sans compter les véhicules des employés, sous-traitants et de maintenance. , visites, etc. Un tel trafic de gros volume occasionnera des nuisances de voisinage et des problèmes de sécurité routière.
- Durabilité économique. SIAT succède sur ce site à 3 entreprises ayant essuyé des échecs industriels dont les causes ne sont pas portées à la connaissance du public. L’argument avancé actuellement pour un investissement de 100 à 200 millions € : « le financement d’un tel projet et des technologies de pointe qu’il implique nécessite un dimensionnement minimal des installations ». La course aux aides publiques justifie la « taille critique » de ce projet dont la durabilité économique reste à démontrer.
- Artificialisation des sols : la scierie existante occasionne l’artificialisation de 12 hectares, son extension porterait la surface totale artificialisée à près de 30 ha, soit plus du doublement de surface artificialisée, y compris l’acquisition de 6 ha supplémentaires de terres agricoles que les collectivités prévoient de classifier en zone UX (industrialisable).
Avant de décider l’extension foncière en faveur d’un tel projet industriel, il faudrait peser sereinement les enjeux locaux, la vocation agricole du territoire. C’est pourquoi nous demandons l’annulation de l’enquête publique actuelle, et une consultation approfondie.
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