Contribution de FNE Occitanie Pyrénées à la consultation publique sur le projet de décret relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers.
France Nature Environnement est résolument engagée en faveur de la transition écologique. A ce titre, FNE OP considère que la réponse la plus urgente pour lutter contre les changements climatiques liés aux gaz à effet de serre (GES) devrait être prioritairement de mettre fin à nos excès de consommation en général, et d’énergie en particulier par la sobriété. Toute autorisation de nouvelle production électrique devrait être conditionnée à un engagement de réduction de consommation équivalent en puissance. Ce qui n’apparaît pas dans le présent projet qui propose de fait de répondre à une demande toujours croissante en énergie, fût elle décarbonée.
Ce projet de décret sur l’agrivoltaïsme s’inscrit dans le cadre de la volonté gouvernementale d’accélérer et d’amplifier le développement des énergies renouvelables pour tenter notre sortie des énergies fossiles.
Nous nous interrogeons sur le choix porté sur l’agrivoltaïsme pour plusieurs raisons
- Pour limiter les conflits d’usage des sols et préserver la biodiversité, l’implantation du photovoltaïque devrait se réaliser prioritairement sur les réserves foncières considérables, à moindres enjeux environnementaux, que sont :
- toitures et façades des bâtiments résidentiels, publics, agricoles et tertiaires,
- parkings et ombrières,
- friches industrielles,
- sites et sols pollués,
mais aussi, - réseau de transport,
- tranchées routières ou ferroviaires,
- gares ferroviaires,
- zones d’activité économique, etc.,
dont les potentiels devraient être utilisés pour assurer les objectifs de production photovoltaïque.
- Les implantations massives de photovoltaïque déjà en cours, sont d’autant plus problématiques qu’aucune statistique ni aucun observatoire n’ont été mis en place pour documenter la nature des terrains choisis, ni pour maîtriser cette tendance, ni pour mesurer d’une manière indépendante leurs impacts environnementaux, sociaux et économiques et encore moins les impacts cumulés par plusieurs projets, dans un rayon proche, sur la biodiversité, les corridors écologiques. En outre la baisse de la présence des insectes pollinisateurs (pollinisation) qui est avérée n’est jamais questionnée quant à l’impact sur les exploitations limitrophes qui ont besoin de ces pollinisations ce qui risque à terme par effet collatéral de diminuer leur rendement. Le défrichement systématique autour du périmètre (et donc au delà de l’emprise directe des projets) accroît considérablement les impacts négatifs de ces projets.
- Il convient de rappeler la vocation première, nourricière, de l’activité agricole ainsi que les véritables services agronomiques de l’agroécologie, notamment en matière d’atténuation climatique, d’amélioration des sols, de biodiversité et de production agricole, sans comparaison possible avec des soi-disant “services agronomiques” de l’agrivoltaïsme, aux performances très insuffisamment documentées : notamment les retours après plusieurs années sur l’appauvrissement des sols et la diversité végétale, la baisse de plus de 60 % des pollinisateurs , une propension à favoriser les plantes invasives, autant d’éléments que l’Office français de la biodiversité a déjà mis en évidence.
- La perte de surface agricole utile (SAU) depuis des décennies a été considérable, alors que simultanément la productivité en lien direct avec les aléas récents du réchauffement climatique est en baisse. L’implantation massive de panneaux photovoltaïques sur la SAU fait courir un risque supplémentaire à l’agriculture, à la continuité des terres agricoles indispensables à une exploitation cohérente. Elle met en péril la reprise des exploitations avec une concurrence foncière rendant les terres inaccessibles aux jeunes agriculteurs. Lorsque ces effets délétères s’imposeront il sera trop tard pour y remédier.
Nous devons cesser de jouer les apprentis sorciers avec des technologies insuffisamment maîtrisées et évaluées, livrées sans mesure à des intérêts privés.
La lecture du projet de décret appelle des observations et des questions
- Article 1 [Dispositions spécifiques pour l’agrivoltaïsme] modifications du Code de l’énergie
- Art. R. 314-109 Les 18 mois sans exploitant s’entendent ils avant ou pendant le fonctionnement de l’installation agrivoltaïque ?
Et dans ce cas quelles seront les dispositions prévues ? - Art. R. 314-114 – 2ème Zone témoin : cette zone devra conserver sa nature sans modification pendant toute la durée de fonctionnement de la centrale photovoltaïque. L’agriculteur n’aurait donc pas la possibilité de planter une haie ou des arbres (agroforesterie) sur cette zone pour garantir une production effective sur cette parcelle et en améliorer les conditions agronomiques ?
La mention du taux de 40 % de taux de couverture vient ici en contradiction avec les plus instantes recommandation de l’INRAE faisant valoir qu’au dessus de 20% de taux de couverture les effets sur la production de biomasse sont négatifs. - Art. R. 314-116 Le fait que le taux de couverture maximale soit renvoyé à un futur arrêté laisse planer un doute inquiétant. Ce d’autant plus que les technologies de plus de 10 MW ne sont pas couvertes par cet arrêté et bénéficieront d’emblée d’un taux de couverture pouvant aller jusqu’à 40%.
- Art. R. 314-109 Les 18 mois sans exploitant s’entendent ils avant ou pendant le fonctionnement de l’installation agrivoltaïque ?
- Article 3 [Photovoltaïque sur terrains à vocation agricole, pastorale ou forestière][Définition des conditions d’implantation dans les documents cadres] modifications du Code de l’urbanisme Art. R. 111-54
- La formulation suivante est incompréhensible : « Une terre est réputée inculte lorsqu’elle est identifiée comme une terre à vocation agricole ou pastorale et qu’elle répond à au moins une des conditions suivantes :… »
Comment comprendre ce ET ? S’agirait il par exemple d’une terre agricole ou pastorale devenue une carrière, une zone industrielle, un plan d’eau… ?
Quoi qu’il en soit la liste des « terres réputées incultes » est elle-même incompréhensible lorsqu’elle comprend par exemple : j) un plan d’eau ou encore o) un terrain forestier, à l’exception des catégories de forêts à forts enjeux de stock de carbone, de production sylvicole et d’enjeux patrimoniaux sur le plan de la biodiversité et des paysages, listées par arrêté interministériel.
Un terrain forestier qui ne serait donc pas listé dans le dit arrêté interministériel serait alors considéré comme une terre inculte ? - Art. R. 111-56 L’alinéa 2 de cet article vient confirmer la contradiction relevée dans l’article précédent puisque : « Tout projet d’installation solaire sur un espace naturel sans vocation agricole, pastorale ou forestière n’entre pas dans le champ du document cadre » Un terrain forestier ne saurait donc relever de la liste des « terres réputées incultes » ?
Qu’en est-il du calcul du bilan carbone du projet lorsqu’on rase des bois ? - Art. R. 111-57 Cet article relève clairement de l’esprit de l’accélération des EnR : la chambre d’agriculture – et elle seule– établit en 9 mois le document cadre sur la base de la liste de l’Art. R. 111-54 sinon c’est le préfet seul, sans consultation. Ainsi, un programme ayant un impact prévisible sur l’environnement échapperait au principe de participation du public édicté par la Convention d’Aarhus et inscrit dans la Charte constitutionnelle de l’Environnement. Cet article n’est pas recevable.
- La formulation suivante est incompréhensible : « Une terre est réputée inculte lorsqu’elle est identifiée comme une terre à vocation agricole ou pastorale et qu’elle répond à au moins une des conditions suivantes :… »
- Article 4 [Durée d’autorisation, démantèlement et remise en état après exploitation] modifications du Code de l’urbanisme Art. R. 111-58 , Art. R. 314-118, Art. R. 463-3 et Art R.463-4 – démantèlement et garanties financières : quelles dispositions seront prises pour informer pleinement et clairement l’agriculteur des risques financiers liés à ces dispositions ? Le projet de décret est muet sur ce point qui semble pouvoir constituer un abus dans une relation commerciale. Il est bien stipulé ici que « … le propriétaire du terrain d’assiette est tenu d’enlever l’ouvrage et de remettre en état le terrain »
- Art. R. 111-20-1. Il semble inconvenant de renvoyer à un décret et à un arrêté non datés sur une question aussi importante qui touche à la dérogation au ZAN
- Article 7 [Dispositions transitoires] Ces dispositions laissent prévoir une accélération des demandes dans l’année : Les projets dont la demande de permis ou la déclaration préalable a été déposée avant la publication du document cadre peuvent être autorisés sur avis conforme de la Codepenaf. L’avis des Codepenaf risque de refléter bien souvent celui des opérateurs, toujours invités à présenter leur projet et naturellement enclins à le faire à leur avantage. Ici encore des projets ayant un impact prévisible sur l’environnement échapperaient au principe de participation du public édicté par la Convention d’Aarhus et inscrit dans la Charte constitutionnelle de l’Environnement.
Ces diverses observations et interrogations nous conduisent à considérer qu’en raison de ses nombreuses incertitudes et imprécisions, ce projet de décret n’est pas acceptable en l’état.
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