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FNE Midi-Pyrénées et ses associations membres contestent les chartes départementales d’engagements des utilisateurs agricoles de produits phytopharmaceutiques

FNE Midi-Pyrénées et 8 associations membres[1], ont introduit 8 recours gracieux contre les chartes d’engagements des utilisateurs agricoles de produits phytopharmaceutiques des huit départements de l’ancienne région Midi-Pyrénées. Ces chartes qui permettent de déroger aux distances de sécurité à proximité des personnes régulièrement exposées aux pesticides, sous réserve de l’utilisation de matériel homologué de réduction de la dérive, ont été adoptées sans consultation des principaux intéressés, les riverains. Explications.  

La protection des riverains et travailleurs exposés aux pesticides, un cadre réglementaire instable

Le droit européen en matière de pesticide résulte principalement de la directive du Parlement et du Conseil n°2009/128 et du règlement du Parlement et du Conseil n°1107/2009. Ces textes ont poussé la France a intégré des restrictions quant à l’utilisation des pesticides dans les zones fréquentées par le grand public ou des groupes vulnérables, dont font partie les personnes fortement exposées aux pesticides sur le long terme, comme les travailleurs ou les habitants.

L’arrêté ministériel du 04 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques prévoit en effet les dispositions relatives aux distances de sécurité au voisinage des zones d’habitation et des zones accueillant des groupes de personnes vulnérables. Des zones de non traitement (ZNT) de 20 m (pour les produits les plus dangereux), 10 m (pour les cultures hautes) et 5 mètres (pour les cultures basses) sont définies. Malheureusement, les ZNT riverains de 10 et 5 mètres peuvent être réduites jusqu’à 5 et 3 mètres dans le cadre de chartes locales et lorsque le matériel d’épandage utilisé bénéficie d’une homologation attestant de la réduction de l’effet de dérive[2]. La protection des riverains et travailleurs n’est alors plus uniforme sur le territoire et dépend des dispositions prévues localement dans les chartes, alors que la dangerosité pour la santé de ces produits n’est plus à démontrer et est clairement énoncée dans les fiches techniques de ces produits.

Cet arrêté ministériel a fait l’objet de deux annulations partielles devant le Conseil d’Etat. Dans l’arrêt n° 437815 du 26 juillet 2021, la haute juridiction a rappelé que l’information des riverains devait être préalable à l’utilisation des pesticides pour constituer une mesure de protection utile et que la participation des riverains à l’élaboration des chartes (constitutionnellement garantie par l’article 7 de la Charte de l’environnement) n’était pas assurée. Suite à cette décision, la modification du cadre réglementaire a entraîné l’adoption par les préfets de nouvelles chartes départementales durant l’été 2022.

Les chartes d’utilisateurs de pesticides, des coquilles vides rédigées unilatéralement

Pourtant, la majorité des chartes adoptées en Midi-Pyrénées ont été élaborées par les chambres consulaires et les principaux syndicats d’agriculteurs, sans permettre la moindre participation des personnes exposées à ces produits dangereux sur leur lieu de vie ou de travail.

Sans surprise ces chartes ne prévoient pas de mesures suffisantes pour assurer la protection des riverains et travailleurs. Un exemple criant ? Alors que l’information sur l’épandage devrait être délivrée aux riverains préalablement à l’utilisation des pesticides, afin de leur permettre de prendre des mesures de protection, les chartes ne prévoient que l’utilisation d’un gyrophare sur le tracteur en train d’épandre… L’information délivrée n’est non pas préalable mais concomitante avec la réalisation du traitement, ne permettant pas à ces riverains de se protéger de ces produits toxiques.

L’étude nationale visant à évaluer l’exposition aux pesticides des riverains de zones viticoles et non viticoles, Pestiriv, menée par Santé publique France, est en cours et ces premiers résultats ne seront pas connus avant fin 2024. Sans même avoir terminé les études scientifiques nécessaires, les chartes départementales autorisent la restriction des ZNT aux portes des personnes habitant et travaillant à proximité de terres exploitées en agriculture conventionnelle.

Pour Cécile ARGENTIN, Présidente de FNE Midi-Pyrénées :

« L’enquête sur la santé des agriculteurs Enquête AGRICAN 2 dont les conclusions sont parues en novembre 2020 sont sans ambiguïté sur l’augmentation (d’une à trois fois) du facteur de risque de contracter certaines maladies (tumeurs du système nerveux central, maladie de Parkinson, leucémies lymphoïdes chroniques, myélome multiple …- selon les cultures et produits utilisés par les agriculteurs) lorsqu’on est en contact ou manipule ces produits toxiques. Nous continuons donc délibérément à mettre en danger la santé des citoyens, allant vers une régression de leur protection alors que nous savons pertinemment que ces produits sont à risque, c’est lamentable que l’Etat en soit le promoteur. »


[1] Le Chabot, Comité Ecologique Ariègeois, Nature Comminges, Nord toulousain environnement et cadre de vie, Les Amis de la Terre du Gers, Union Protection Nature Environnement Tarn, FNE Hautes-Pyrénées, FNE Tarn-et-Garonne

[2] Dérive de pulvérisation : quantité de pesticide qui est transportée hors de la zone de pulvérisation (zone non traitée) par l’action des courants d’air pendant le processus d’application