Concrètement, en revenant à l’objet de la réunion d’aujourd’hui :
En matière d’ours et pastoralisme
- Nous déplorons une absence totale de réelle concertation. Toutes les décisions sont prises après un dialogue bilatéral uniquement avec les représentants de la profession agricole et en ne tenant compte que des radicaux et virulents, comme si le but était davantage de les amadouer que de résoudre les vraies questions.
Dernier exemple en date, les modalités d’exonération de la conditionnalité de protection des troupeaux ont été annoncées lors de la réunion du 30/04 de la préfecture des Hautes-Pyrénées alors que vous vous étiez engagé le 11/12/2020, ainsi que la DRAAF le 23/03/2021, à nous associer à la réflexion. Ceci contredit totalement les appels de la DREAL et de la Préfecture de région à participer aux groupes de travail ours et pastoralisme lancés en 2019. Même chose pour l’indemnisation des « pertes exceptionnelles », la première évocation consiste en des décisions dont il est maintenant bien sûr impossible de discuter après ces annonces. - Nous avons demandé le maintien de l’indemnité de dérangement, uniquement pour les éleveurs-bergers non-salariés qui gardent de façon permanente en estive des bêtes qui ne leur appartiennent pas et dont ils tirent le lait. C’est fréquent pour les bergers-fromagers des Pyrénées-Atlantiques. Nous n’avons obtenu aucune autre réponse qu’un refus sans appel pour cause d’harmonisation administrative…
- Nos associations ont également dû contester en Conseil d’Etat les décisions en matière d’indemnisation démagogique et laxiste des dommages d’ours qui n’avaient bien sûr pas plus fait l’objet de concertation. Nous ne pouvons accepter le principe de présomption de culpabilité de l’ours qui fait indemniser des dossiers « ours non écarté » et quasi systématiquement les animaux morts de cause « indéterminée ». Cela provoque une inflation artificielle des indemnisations qui se retourne contre l’acceptation sociale par les éleveurs et conforte l’opposition radicale. L’amalgame systématiquement fait par l’Etat entre dégâts réels et indemnisations n’arrange évidemment rien.
- L’Etat n’incite pas à la mise en place de protections préventives en faisant passer les effarouchements d’ours « normaux », dispositif dérogatoire, comme un moyen de protection standard, sans aucune étude préalable des conditions de prédation ni évaluation.
Il ne met jamais en avant les exemples concrets où les protections fonctionnent. - Enfin l’Etat s’acharne à effaroucher les ours alors que ce dispositif n’a montré aucune efficacité notable depuis deux ans et qu’il vient d’être sanctionné par le Conseil d’Etat.
En synthèse, depuis deux ans, les décisions prises en matière de pastoralisme vont presque toutes à l’encontre d’une cohabitation apaisée parce que l’Etat cherche plus à calmer les radicaux et les violents qu’à concilier réellement les enjeux écologiques et agricoles.
Pourquoi devrions-nous continuer à participer aux discussions quand aucune de nos propositions d’amélioration des aides au gardiennage n’a été retenue depuis 2019 ?
En matière de conservation de l’ours
- Nous demandons qu’à côté du groupe « pastoralisme et ours », vous mettiez en place un groupe « conservation de l’ours » pour dérouler et suivre l’application du Plan ours dans les autres domaines que l’élevage. Ne faisant pas l’objet d’une « feuille de route », tous ces sujets sont complètement ignorés depuis 2019.
Ce groupe pourrait impulser et suivre les actions prévues dans le Plan ours en matière de restauration de la population d’ours, d’évaluations scientifiques, de chasse, de gestion forestière, de valorisation écotouristique … Or, le Plan approche du tiers de sa durée. Des plans nationaux, sur des espèces protégées ou patrimoniales, ont une gouvernance avec un comité de pilotage qui traite l’ensemble des actions du plan. - L’Etat ne respecte pas son obligation légale de restauration d’une population viable d’ours, ni son engagement de remplacement des ours tués de la main de l’homme (prévu explicitement dans le Plan ours en vigueur), ni les expertises scientifiques indépendantes (Cf. études et avis CNPN, MNHN), ni les demandes de la Commission Européenne, ni-même les décisions de justice (Cf. arrêt du Conseil d’Etat /effarouchements).
Tout est exclusivement orienté pour calmer certains éleveurs et leurs syndicats qui refusent par principe de vivre avec l’ours (notamment en Ariège). Le résultat est une escalade sans fin dans la surenchère et la violence où l’Etat cède à chaque palier. - Aucune des plaintes juridiques concernant les actions illégales des opposants contre l’ours et ses défenseurs n’a à ce jour abouti en France, alors qu’elles sont nombreuses et pour certaines anciennes.
- En matière de communication, l’Etat communique beaucoup de façon négative sur les prédations ou les indices d’ours, suite aux demandes de « transparence » de la part du monde agricole (site info ours), sans jamais recontextualiser ces pertes en regard des autres causes de mortalité.
Par contre, rarement ou très peu d’informations sur l’avancement de l’équipement des estives en moyens de protection (quelles estives, nombre de chiens, de bergers, de parcs, électrifiés ou pas, conduite pratiquée, analyses de vulnérabilité). La transparence est en fait à sens unique.
Et bien entendu, les excès verbaux et les mensonges des opposants ne sont jamais contredits …
Comment avancer quand toute information et toute intention positives sont bannies au prétexte de « ne pas provoquer » les plus radicaux ?
Concernant le déclenchement du Protocole « ours à problèmes »
Nous rappelons que nos associations, soucieuses d’une cohabitation apaisée de l’ours brun avec les éleveurs, ne se sont pas opposées la semaine dernière à sa mise en œuvre dans les Hautes-Pyrénées, malgré l’absence de concertation et que l’animal ne soit pas formellement identifié comme le prévoit le texte.
Néanmoins, nous suivrons de très près le respect rigoureux dudit protocole dans ses différentes phases. Il ne saurait être question d’admettre de passer d’une phase à une autre sans qu’on nous porte à connaissance les éléments qui le justifient et sans la concertation prévue dans le protocole.
Nous rappelons notamment la règle que 3 effarouchements réussis doivent être pratiqués sur l’animal avant d’évaluer le conditionnement aversif et d’envisager la phase suivante (capture pour équipement télémétrique).
Monsieur le Préfet, les questions et problèmes que nous posent la politique « ours » actuelle de l’Etat sont nombreux et nous ne voyons plus quel serait pour nous le sens de participer à une réunion où il est impossible de les aborder et de chercher ensemble des solutions.
Nous restons bien sûr prêts à échanger avec vous rapidement sur ces thèmes si l’Etat accepte de prendre en compte les points évoqués ci-dessus et se situe dans une réelle perspective d’organiser une cohabitation apaisée et de restaurer la population d’ours.
Dans cet espoir, nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet, en l’assurance de nos sentiments respectueux.
Signataires
Les associations représentant la coordination Cap ours au groupe de travail « Pastoralisme et ours » de la Préfecture de massif Pyrénées.
Animal Cross, CEA, FERUS, FNE MP, FIEP, NEO, Pays de l’Ours-ADET, SFEPM.