Si le ralentissement de nos déplacements lié au confinement a permis entre autres d’obtenir une meilleure qualité de l’air, moins d’émission de gaz à effet de serre, moins de bruit, la reprise de nos activités ‘comme avant’ sera synonyme du retour de ces pollutions, impactant encore plus ou moins notre santé, l’environnement, la biodiversité et nos cadres de vie. La question se pose aujourd’hui : souhaitons-nous vraiment « repartir comme avant » ?
Pour Thierry de NOBLENS, Président de FNE Midi-Pyrénées : « Au moment où Emmanuel MACRON annonce 8 milliards d’euros pour soutenir l’industrie automobile avec une ‘prime à la casse’ et l’incitation des citoyen.ne.s à racheter des voitures individuelles – nécessairement polluantes, qu’elles soient diesel ou électriques -, nous pensons que cette somme serait bien mieux venue pour soutenir les mobilités alternatives et renforcer les transports en commun en augmentant les dessertes – maillage et cadences – et proposant de meilleures conditions d’accès et de confort/hygiène pour les passagèr.e.s et conducteurs/trices.«
Notre fédération FNE Midi-Pyrénées et des associations membres (AUTATE, Rallumons l’Etoile notamment) ou partenaires (2 Pieds 2 Roues), très engagées dans la problématique des mobilités et des transports à Toulouse comme ailleurs, avancent ici des propositions simples et efficaces pour ‘Repartir ensemble du bon pied’.
Les conditions du confinement imposé nous ont beaucoup appris sur notre capacité à nous réorganiser dans nos activités professionnelles et personnelles, ainsi que sur les bénéfices que nous pouvons tirer d’une diminution et d’une rationalisation des déplacements : nous trouvons d’autres rapports au temps et à l’espace avec une relocalisation des activités, un moindre stress et une moindre fatigue liés aux déplacements, des gains en temps et en coût sur les trajets, d’où une possible libération de temps pour plus de lien social.
Sur la base de ces constats et simultanément au déconfinement qui s’est engagé depuis le lundi 11 mai 2020, voici quelques-unes des propositions que nous souhaitons voir prises en compte :
A) Une (re)mise au centre du débat sur les modalités de transports doux et écologiques
B) Un autre rapport au temps et aux territoires, au travail, à la consommation et à d’autres activités
A) (Re)mise au centre du débat sur les modalités de transports doux et écologiques
– Préservons et améliorons l’usage des modes actifs (marche à pied, vélo, trottinettes…) pour notre santé et l’environnement.
De multiples études épidémiologiques internationales démontrent qu’une heure quotidienne de marche soutenue diminue les risques cardiovasculaires, les aggravations du diabète 2, l’obésité et les affections consécutives à la sédentarité. Pour Cécile Argentin (Vice-Présidente de FNE Midi-Pyrénées) « nous sous-estimons à quel point nous nous mettons en danger en ne pratiquant pas, tous les jours, un minimum d’activité physique. C’est une prévention efficace, aux bénéfices individuels et sociétaux considérables. »
Pour les courtes et moyennes distances, les modes actifs répondent quotidiennement et simultanément à divers enjeux :
– Enjeu tout d’abord sanitaire, car ils ont un effet bénéfique sur notre santé à travers une activité physique qui nous est indispensable. Face à l’urgence sanitaire, ils représentent des gestes barrières simples et efficaces.
– Enjeu environnemental, climatique et même énergétique. Ce sont les moyens de transports les moins énergivores, ils pourraient permettre une réduction de la voiture en ville et contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air.
– Enjeu économique parce que cette prévention en matière de santé représente un faible coût au regard de ses bénéfices sur le plan de la santé publique. De plus, ce sont des moyens de transport peu coûteux, pour lesquels les infrastructures et équipements sont également moins onéreux et moins impactants.
o La marche
Dans la mobilité quotidienne, la marche représente plus de 20% des déplacements urbains. Redonnons une place essentielle aux piétons et à la marche à pied, moins polluante, accessible au plus grand nombre, et pouvant en outre nous permettre de perdre les quelques kilos pris durant le confinement (en moyenne un peu plus de 2kg en France en 2 mois). Cela questionne sur l’état des voiries piétonnes. Il semble nécessaire d’envisager des aménagements tels que l’augmentation des rues piétonnes, ou encore un élargissement des trottoirs et des passages sécurisés, protégés des voitures et autres modes de transports.
o Le vélo
Encourageons la pratique du vélo. Si l’on peut approuver les mesures temporaires mises en place : pistes sécurisées, ateliers de réparation, apprentissage et prêt de vélo, ou encore urbanisme tactique, nous pouvons estimer qu’il y a une réelle nécessité à aller plus loin pour un aménagement pérenne et sécurisé des pratiques cyclistes. Cela doit passer par des accroches ou des garages de stationnement des vélos, en quantité suffisante et bien répartis, comme par la prise en charge des indemnités kilométriques (jusqu’à 400€ remboursés par l’employeur selon le nombre de kilomètres parcourus par an pour aller au travail avec le forfait mobilité durable), et d’autres mesures d’encouragement à la pratique du vélo.
Concernant les modes doux, l’association 2 pieds 2 roues recommande d’une part une redistribution de l’espace public au profit des modes actifs et des transports en commun, et d’autre part le déploiement des schémas directeurs cyclable et piéton en agglomération (SDCA et SDPA). Le premier avec la création d’un Réseau Express Vélo reliant les principales zones d’activités et de résidence, interconnecté avec les principales lignes de transports en commun structurants de l’agglomération. Le second moyennant un financement associé.
– Renforçons les transports en communs.
Une partie de la population ne peut pas s’en tenir aux modes actifs pour différentes raisons et se retrouve face à un choix : voiture ou transports en commun ? Ou parfois les deux… Il faut donc prendre en compte d’éventuelles craintes vis-à-vis des transports en commun du fait de la situation actuelle, et assurer des offres de qualité incluant de meilleures dessertes comme des cadences plus importantes permettant au plus grand nombre de recourir aux transports en commun sans devoir subir la promiscuité.
o Les métros, tram et bus
Pour le métro toulousain par exemple, automatisé et indépendant du nombre de personnel au travail, la diminution actuelle de cadence peut venir questionner la finalité de la démarche : Pense-t-on rentabilité ou santé ? Les cadences doivent être augmentées, avec des rames mises à leur capacité maximale du nombre de places.
Quant aux bus, deux questions se posent à leur sujet. La première, qui intervient aussi bien hors du contexte actuel, concerne l’accessibilité de certaines zones non ou mal desservies. La seconde concerne l’aménagement des voies. La redistribution de l’espace urbain prend déjà en compte, en grande partie, la circulation cycliste, cependant l’AUTATE souhaite intégrer les bus à cette redistribution. L’association propose entre autres un partage des voies déjà identifiées ou l’installation de sens uniques afin d’obtenir plus d’espace à partager.
L’AUTATE vient de déconfiner son projet idéal de réseau Tisseo à Toulouse : un maillage de bus et une couronne de trams.
o Le ferroviaire
Concernant le ferroviaire, un RER toulousain, aux trains nombreux et cadencés, complémentaire aux autres modes (TER, métro, bus, vélo, marche), est nécessaire pour offrir une alternative efficace à la voiture individuelle. Ce projet proposé par l’association « Rallumons l’Etoile » est envisagé à l’échelle de la grande agglomération toulousaine ; il représente une alternative transposable et favorable à l’environnement, pour le mieux-vivre des citoyens.
« Avec le développement de l’usage du vélo et du télétravail, cela permettrait de reconfigurer les mobilités métropolitaines au quotidien. Une offre RER de trains cadencés sur de larges plages horaires, accessibles à des tarifs abordables pour tous, apparaît indispensable pour garantir une équité de mobilité, d’accès aux emplois et services, quel que soit le lieu de résidence. ». Retrouvez directement le communiqué de Rallumons l’Etoile ici.
Les trains du quotidien doivent être la priorité et bénéficier de moyens bien plus importants que précédemment – les lignes et dessertes de proximité avaient été délaissées par la SNCF au profit du tout TGV. Le cadencement de ces trains sur nombre de lignes régionales fréquentées doit être un objectif majeur à court terme.
Concernant les Lignes à Grande Vitesse (LGV), et notamment la ligne Bordeaux-Toulouse, les projets et tracés actuels ne répondent pas aux enjeux écologiques et sociaux actuels et à venir : défi de la transition énergétique, arrêt de l’artificialisation des terres agricoles et naturelles, développement du fret ferroviaire, des liaisons ferroviaires à plus haute fréquence…Une remise à plat est nécessaire, de façon démocratique, et des alternatives doivent être identifiées et adoptées.
– Abandonnons les projets de routes et autoroutes inutiles
Au moment où les modes de déplacement vont changer, et où les enjeux de transition écologique sont plus importants que jamais, FNE Midi-Pyrénées se positionne aussi clairement pour l’abandon de projets de routes et d’autoroutes inutiles, comme celui de l’autoroute Castres-Toulouse. Les 115 millions d’euros (participation bloquée de l’Etat, n’incluant pas les coûts supplémentaires qui devront être assurés par les collectivités territoriales) que devraient coûter cette autoroute, dont le but affiché est de réduire les embouteillages aux abords de Castres et de Toulouse, seraient bien mieux investis dans un renforcement du rail et des transports en commun entre ces deux villes, ainsi que dans des infrastructures et services publics, notamment de santé, permettant aux habitant.e.s de la région de trouver des services et des soins de proximité ne les obligeant pas à se rendre à Toulouse, et ce pour de plus en plus de services.
Le collectif PACTE (Pas d’Autoroute Castres Toulouse) dénonce dans un communiqué récent l’accélération annoncée du chantier de l’A69.
– Et l’avion dans tout ça ?
FNE Midi-Pyrénées soutient les propositions de suppression des lignes aériennes sur les destinations bénéficiant de bonnes liaisons par train (voir les éléments de la proposition parlementaire de 2019), tout en souhaitant que les lignes à supprimer soient choisies démocratiquement. Il est au demeurant nécessaire que les dessertes ferroviaires sur ces destinations soient renforcées et cadencées et que les billets de train soient proposés à des coûts abordables. Le train et d’autres moyens de déplacements (notamment bateaux à voiles) moins énergivores doivent aussi être encouragés pour des trajets plus longs. Il nous semble en outre important de repenser les voyages long-courrier et de permettre de voyager moins pour voyager mieux (en bénéficiant par exemple de possibilités de congés regroupés afin de profiter de voyages plus longs et moins énergivores).
Pour alimenter la réflexion, le Réseau Action Climat France publie une analyse des conditionnalités environnementales annoncées par le Gouvernement en contrepartie au soutien financier accordé à l’entreprise Air France.
B) Un autre rapport au temps et aux territoires, au travail, à la consommation et à d’autres activités
– Repensons l’aménagement du territoire pour une mobilité durable.
Si les modes actifs, les transports en commun ou le co-voiturage, sont des exemples d’alternatives à l’utilisation des transports individuels, la réflexion va au-delà de l’utilisation de ces modalités, elle doit porter davantage encore sur leur organisation et leur déploiement sur le territoire, en lien avec les activités, à préciser également.
Il s’agit à long-terme de regarder autrement la manière d’aménager le territoire sur le thème des déplacements. Une relation au territoire plus maillée permettrait de rééquilibrer des offres de services, et aux citoyens d’adopter plus simplement une nouvelle manière de se déplacer, de vivre et de s’approprier mieux la ville.
Au niveau des infrastructures, si l’on part du principe qu’il sera toujours difficile d’avoir des voies spécifiques à chaque modalité (piéton, vélo, bus, voiture) dans les deux sens de circulation, il est important de considérer leur complémentarité.
Prenons l’exemple du ferroviaire : la gare n’est pas juste un terminus, il se pose aussi et surtout la question de l’accès à celle-ci, et c’est ici que peut résider la force de la complémentarité des modes de transport et d’une intermodalité si importante, donnant une cohérence à tous les modes de déplacement. L’accès à toute gare doit pouvoir se faire par les modes actifs ou d’autres transports en communs.
Aujourd’hui, le maillage est insuffisant. Il existe des ‘zones blanches de mobilité’, c’est-à-dire des zones non desservies par le train ou des lignes de bus pertinentes. Sur ces territoires, les résidents doivent ainsi prendre leur voiture pour rejoindre, parfois loin de là, leur lieu de travail, un bassin de vie ou une gare.
En outre, au-delà de l’intermodalité, les décisions devraient aussi reposer sur la manière d’installer un nouveau rapport au territoire pour permettre aux citoyens d’agir. Comment mailler plus encore le territoire ? Quels leviers peut-on actionner ? Quels acteurs mobiliser ?
– Redonnons une place aux organisations spécialisées, aux associations de quartier et autres acteurs en faveur d’une mobilité durable, afin de peser dans les décisions et favoriser les transitions vers des modes de vies moins polluants.
Des mesures gouvernementales, certaines provisoires, d’autres plus durables, ont été mises en place : l’aménagement des pistes cyclables et des voies piétonnes, l’aménagement des abords de route pour le co-voiturage, et le retour au stationnement payant, en opposition à l’envahissement des villes par les voitures.
Cependant, nous pouvons craindre un usage toujours massif de la voiture individuelle lié d’une part aux appréhensions des transports en commun en cette période compliquée et d’autre part lié à des aménagements provisoires parfois mal conçus et pouvant décourager parce que réalisés dans la précipitation, sans concertation avec les usagers.
– Relocalisons et redéfinissons la qualité de notre consommation
L’arrêt des déplacements, y compris maritimes, imposé par le confinement et les pénuries de produits, a rappelé à quel point nos consommations impliquent aujourd’hui des transports planétaires, souvent évitables. Une relocalisation de l’activité, des productions et des consommations s’impose. Une réflexion sur les types et modalités de production, et sur la dépendance ou non à telle ou telle matière première plus ou moins destructrice de la planète, s’impose aussi. Cela pose donc une question prégnante : quel travail fait chacun de nous, à quoi sert-il ?
– Repensons les déplacements liés au travail pour une reprise douce.
La possibilité de recourir plus largement au télétravail, dans des conditions précisées, avec les moyens pour ce faire et des garanties de respect du droit à la déconnexion et à la vie privée, ouvre des perspectives importantes de limitation de nos déplacements ‘pendulaires’ quotidiens, du domicile au travail, responsables pour beaucoup des embouteillages et différentes pollutions atmosphériques. Des questions se posent toutefois sur les autres impacts du télétravail, ne serait-ce que sur le chauffage individuel en hiver. Une réflexion concertée doit s’ouvrir rapidement sur ce sujet.
– Aménageons les horaires de travail
Le décalage des horaires de travail et la modulation des horaires d’arrivée et de départ sur les lieux de travail et d’étude représentent aussi des solutions pour éviter le phénomène ‘heures de pointe’ et la promiscuité dans les transports en commun, en assurant ainsi plus de sécurité et en permettant au plus grand nombre de les emprunter. Comme pour le télétravail, cette solution ne doit toutefois pas se faire au détriment de la vie personnelle, ni empêcher le travail ou les échanges en équipe. En revanche, combiner une part de télétravail en début ou fin de journée, et/ou sur certains jours de la semaine, permettrait à la fois de préserver la vie personnelle, de réduire les effets ‘heures de pointe’, de permettre une présence sur site au moins une partie de la journée, et de répondre à d’autres besoins ou intérêts que chacun.e voudra y trouver.
– Repensons les déplacements pour nos activités et besoins personnels.
o Les déplacements du « quotidien »
Les déplacements individuels ne sont pas liés qu’au travail d’autres activités sont à considérer, achats de première nécessité, loisirs, trajets scolaires, etc. représentent d’autres motifs de déplacement, or, rappelons-le, 1/3 de ceux en voiture se font sur moins de 3km, soit 15 et 45 minutes à pied, ou 5 à 10 minutes à vélo.
Comment les réduire ? De façon générale, chacun de nos déplacements devrait être réfléchi (regrouper par exemple plusieurs motifs pour n’effectuer qu’un seul déplacement) et limité autant que possible s’il doit se faire en voiture. C’est un gain de temps, d’argent, et surtout un gain pour l’environnement : moins de pollution, moins de bruit, moins de besoin en infrastructures routières, partant de là, plus d’espaces naturels, … La mobilité est une liberté, mais lorsqu’elle mobilise des moyens polluants et encombrants, elle doit être mesurée.
o Les déplacements occasionnels et voyages
Le ‘clouage’ au sol des avions et le quasi-arrêt des lignes de train du fait du confinement sont venus nous rappeler que se déplacer sur de grandes distances pour visiter le monde reste à la fois une prouesse technologique et un sujet complexe directement lié à la propagation d’une pandémie comme le Covid19. C’est aussi une importante source d’émissions de gaz à effet de serre et de pollutions (y compris pour produire l’électricité qui fait rouler nos trains). Cette mise à l’arrêt de nos déplacements de loisirs nous offre la possibilité de réfléchir à un monde présentant ‘moins de voyage pour mieux de voyage’.
Pour Thierry DE NOBLENS, président de FNE Midi-Pyrénées, la période qui s’ouvre s’annonce passionnante vis-à-vis de nos modes de déplacement, mais pour qu’il y ait un changement majeur au niveau de notre mobilité, il faudra, en plus de l’implication des associations qui réfléchissent et agissent déjà dans ce domaine, une vraie prise de conscience, une mobilisation citoyenne de grande ampleur.
Rédaction coordonnée par
Jessica CORIDUN – Chargée de mission Mobilités-Transports à FNE Midi-Pyrénées (j.coridun (at) fne-midipyrenees.fr)
Avec le soutien de :
Jean OLIVIER – directeur de FNE Midi-Pyrénées
Thierry DE NOBLENS – Président de Fne Midi-Pyrénées
Cécile ARGENTIN – Vice-Présidente de FNE Midi-Pyrénées
Frédéric MANON – Vice-Président de FNE Midi-Pyrénées
Les associations adhérentes : Autate et Rallumons l’Etoile
Une association partenaire : 2 pieds 2 roues
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