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4/ Mieux comprendre la permaculture


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La permaculture… Vous avez peut-être déjà entendu parler de ce terme sans vraiment savoir ce que c’est. Généralement considérée comme une méthode de jardinage, la permaculture est en réalité plus qu’une technique pratiquée par nos amis maraîchers. Elle est un concept qui prévoit un mode de vie à la fois pérenne et respectueux de la nature. Illustration avec Jean-Gabriel Pélissou, Henri Bureau et Philip Forrer que nous avons rencontrés et qui ont choisi tous les trois d’adopter cette démarche et de la transmettre. Plus qu’un idéal, la permaculture est une solution opérationnelle pour répondre à nos besoins et qui est d’ailleurs déjà mise en pratique dans nos territoires.
Jean-Gabriel Pélissou est un maraicher qui travaille à Canavières, un espace situé au bord du Tarn, à Albi où la nature avait repris ses droits. Cette parcelle avait été déclarée inconstructible car inondable. Mais la municipalité d’Albi s’étant donné l’objectif d’autosuffisance alimentaire, a déjà acheté 8,5 hectares de terrain à Canavières et 10 autres devraient être prochainement préemptés car la ville souhaite accueillir un maximum de producteurs en agriculture biologique. Parmi ceux bénéficiant de ces terrains préemptés, Jean-Gabriel Pélissou a repris une parcelle de 8000 m² qui était abandonnée depuis 7 ans et travaille sur 1,3 hectare pour produire des légumes bios. Son terrain était en friche et des arbres poussaient. Il a donc choisi de faire de l’agroforesterie en conservant quelques-uns des arbres présents.
Philip Forrer est un citoyen en quête d’autonomie qui s’est improvisé maraicher pour son autoconsommation. Depuis 26 ans, il expérimente dans son jardin au fin fond de l’Aude une méthode qui donne de très bons résultats, celle de cultiver ses légumes sur des petites buttes remplies de troncs d’arbres morts dont il dispose grâce à la forêt à proximité de chez lui. Profitant de la matière fertile venant de la forêt, il a créé un jardin extrêmement fertile. Pratiquant la culture sur butte, Philip Forrer a pour objectif d’économiser l’eau au maximum.
Henri Bureau est co-président de l’Université populaire de permaculture, une université décentralisée qui propose diverses formations certifiantes et diplômantes sur les techniques de permaculture. Henri Bureau est également très impliqué avec Les Incroyables Comestibles d’Albi, une association qui a pour objectif de promouvoir l’agriculture urbaine en invitant les citoyens à planter partout où c’est possible et à partager les récoltes.

Née au Japon, conceptualisée en Australie, la Permaculture a toujours eu la nature comme modèle

Le concept de la « permaculture » fut développé en Australie par Bill Mollison et David Holmgren dans les années 1970 pour décrire une agriculture basée sur l’observation et la reproduction des écosystèmes naturels et qui puisse répondre aux besoins de tous les êtres vivants. Cette première définition fait référence à un mode de production qui est d’abord agricole. Elle s’appuie sur des travaux de Masanobu Fukuoka, agriculteur japonais qui, à partir des années 1960, développait une agriculture qualifiée de « naturelle ». Il n’utilisait ni engrais, ni pesticide, mais laissait faire la nature. Et ses rendements devenaient plus importants que ses voisins en agriculture classique. En 1975, il publie La Révolution d’un seul brin de paille, qui raconte son expérience en agriculture naturelle et restera comme une étape fondamentale pour la permaculture. Dans son livre, Fukuoka explique que répandre de la paille est le fondement de sa méthode pour faire pousser ses céréales.
Cette vision de l’agriculture naturelle s’élargit ensuite pour devenir un mode de pensée holistique pouvant nous permettre de répondre à la crise environnementale actuelle : la permaculture désigne alors une démarche s’inspirant de la nature pour créer des lieux de vie écologiquement soutenables, socialement équitables et économiquement viables.
L’idée, c’est de « laisser aller », c’est-à-dire d’intervenir le moins possible, de faire les choses avec la nature et pas contre.

L’éthique au cœur de la démarche

Faire de la permaculture, c’est respecter trois principes éthiques fondamentaux :
– PARTAGER DE MANIÈRE ÉQUITABLE
– PRENDRE SOIN DE L’HUMAIN
– PRENDRE SOIN DE LA TERRE

La méthode du « Design »

Pour pouvoir cultiver dans les quantités fixées et tout en respectant la nature, il est nécessaire de concevoir au préalable un écosystème dans lequel l’énergie et la biodiversité du lieu choisi seront optimisées. Autrement dit, concevoir un « design ».
Un design peut avoir différentes échelles : de la parcelle de terre à la grande ville, tous les espaces peuvent être conçus en permaculture, du moment que l’on mette en relation son contexte et ses objectifs personnels (le plus souvent de jardinage) avec les principes éthiques et le fonctionnement des écosystèmes naturels.
Un design n’est, par essence, jamais terminé !
Pour Henri Bureau, le mot design peut servir de point de repère. Il signifie que l’on a un projet, et que l’on va se poser les bonnes questions : « quel impact mon projet aura t’il sur l’environnement ? Quel impact l’environnement aura sur mon projet ? »

Les principes de base à respecter

– Valoriser les ressources et les services renouvelables

Privilégier les ressources et services renouvelables est un principe essentiel en permaculture car c’est le seul moyen pour disposer d’une énergie suffisante tout en rebâtissant un capital terrestre et en répondant à nos besoins immédiats.
Les ressources renouvelables désignent une ressource naturelle dont le stock peut se renouveler au moins aussi vite qu’il est consommé. On peut citer l’eau d’une nappe souterraine dont le niveau reste stable, l’énergie éolienne, ou encore l’énergie solaire. Il est possible d’installer une mare dans son jardin par exemple, pour non seulement créer un approvisionnement en eau, mais aussi un réservoir de biodiversité. En effet, les points d’eau attirent les insectes qui viennent boire, les grenouilles qui mangent des ravageurs des légumes, les hérissons qui mangent les limaces, etc…
Les services renouvelables sont les services fournis naturellement par les plantes, les animaux, la vie du sol et de l’eau sans qu’ils ne soient consommés. Par exemple, avoir un poulailler « tournant/itinérant » permet de préparer le sol pour les futures plantations, et d’éviter ainsi l’utilisation d’un tracteur, de pesticides et d’engrais chimiques.


Zoom sur… : les services rendus par les vers de terre

En fonction des espèces, les vers de terre agissent différemment sur la structure du sol. Ils creusent des galeries plus ou moins profondes. Par exemple, les lombriciens sont capables de faire jusqu’à 890 mètres de galeries par mètre carré, ce qui accélère ainsi l’infiltration de l’eau dans le sol et limite le ruissellement et l’érosion. Ils améliorent l’aération et la circulation des liquides et des gaz qui atteignent plus facilement les racines des plantes, favorisant ainsi la santé de ces dernières. Les galeries creusées permettent aussi aux racines de s’étendre plus facilement et d’accroître la surface d’échange alimentaire entre le sol et les végétaux. Les vers de terre jouent également un rôle important dans le recyclage de la matière organique et l’enrichissement des sols : en ingérant et digérant les résidus organiques des racines, ils facilitent leur décomposition et leur brassage avec les particules minérales du sol. Le dépôt de déjections et de mucus des vers de terre sur les parois des galeries enrichit également le sol en éléments nutritifs qui seront absorbés par les racines et permettra la formation d’humus.

Le fondement de la valorisation des ressources renouvelables est d’éviter de produire des déchets sans les valoriser. En effet, les déchets peuvent être utilisés comme source d’énergie quand ils sont recyclés ou compostés.
Pour le maraicher Jean-Gabriel Pélissou, « quand le sol est en permanence couvert avec des matières organiques telles que le paillage, le fumier, ou encore le broyage de branches, celles-ci se transforment et sont ensuite absorbées par les plantes. Le but c’est de recréer un milieu naturel qui se rapproche du milieu forestier primaire ».

– Penser la diversité de la nature comme une richesse

Un écosystème riche, c’est à dire composé de nombreuses espèces, est résilient. Il est donc nécessaire d’entretenir une biodiversité importante qui pourra être autonome dans la gestion des maladies. L’arrivée de nouveaux ravageurs est contrôlée par une diversité de plantes auxiliaires qui peuvent résister à leur attaque.
La monoculture, qui est le système agricole dominant aujourd’hui est pauvre en biodiversité. Il est très peu résistant aux perturbations biologiques et climatologiques. Afin de répondre à ce manque de résilience, les agriculteurs utilisent des produits chimiques qui traitent spécifiquement les problèmes culturaux. L’utilisation de produits chimiques devient alors facilement disproportionnée. La permaculture doit permettre une réflexion systémique dans le but de rendre à la nature son autonomie.

Les associations de plantes

Les associations de plantes est une technique très répandue en permaculture car chaque plante qui pousse a sa raison d’être : équilibrer le sol en nutriments, l’assouplir et l’aérer, le protéger, etc.
Il est donc possible de « réfléchir » son potager, en associant certaines plantes avec d’autres, y compris des plantes sauvages, pour permettre des interactions bénéfiques entre elles. Ce qui rejoint la méthode du design décrite précédemment. Les associations permettent en particulier de bénéficier de l’effet protecteur (face aux maladies) ou répulsif (face aux ravageurs) de certaines espèces grâce des substances excrétées par leurs racines. Elles permettent aussi de mieux occuper l’espace en associant des espèces à cycle court et des espèces à cycle long. Certaines plantes peuvent également attirer les pollinisateurs.

Jean-Gabriel Pélissou prévoit de faire pousser dans son potager des plantes auxiliaires qui « attirent les abeilles qui polonisent et les oiseaux qui viennent boire et attraper des chenilles sur les plantes, ou des hérissons qui viennent manger des limaces un peu partout. »
Autre exemple, la lavande et la menthe permettent de tenir à distance les fourmis et les pucerons. De même, le myosotis cohabite bien avec les cultures de framboisiers car son odeur empêche le ver du framboisier de proliférer. Les capucines associées aux rangs de tomates, de choux, de carottes, de pommes de terre, ou d’haricots dissuaderont les mouches blanches (aleurodes). Certaines associations de légumes sont également bénéfiques, comme celle du chou avec les tomates ou le céleri car la piéride du chou (papillon nuisible) n’aime pas l’odeur de ces deux plantes. Les salades sont protégées des limaces quand elles sont plantées à proximité du fenouil car son odeur dégage une odeur qui fait les fait fuir. Les exemples de phytosociologie sont nombreux.


EXEMPLES :

– Les soucis attirent les insectes pollinisateurs, comme par exemple les syrphes dont les larves dévorent les pucerons, et repoussent plusieurs parasites des légumes

– Les carottes et les oignons qui poussent en association se protègent mutuellement, car ils éloignent leurs parasites respectifs (mouche de la carotte et mouche de l’oignon).

La couverture du sol

Une autre technique de permaculture également très utilisée est la couverture du sol dans le potager avec du « mulch », c’est-à-dire une couverture végétale constituée par exemple de paille, de feuilles, de bois broyé, de pelouse, etc. Grâce à cette technique, le sol étant couvert, il n’est plus soumis à la pluie battante ou au vent, ce qui limite fortement son érosion et l’évaporation. Il est aussi moins soumis aux températures extrêmes. Couvert, le sol garde l’humidité, il y a donc moins besoin d’arroser. De plus, la décomposition du mulch enrichit le sol car il active la vie des vers de terre (voir plus haut dans la fiche « Zoom sur : les services rendus par les vers de terre »).

Dans l’état naturel, le sol n’est jamais découvert. Il est couvert par l’herbe ou par un certain nombre de plantes qui poussent naturellement sur les sols. En permaculture, l’idée est d’imiter les systèmes naturels en déposant nous-mêmes cette importante couche de matière organique.

La culture sur butte, qu’est-ce que c’est ?


Exemple avec Philip Forrer

La culture sur butte consiste à cultiver ses fruits et légumes sur des buttes de terre (plus ou moins hautes). Les buttes sont formées grâce à des buches de bois que l’on enfouit sous la terre de manière pyramidale pour que la surface du sol forme une petite butte (et ne soit donc plus plane).
Cette technique présente plusieurs avantages. Avant tout celui de conserver l’humidité et ainsi de réduire l’arrosage. L’autre avantage est celui de nourrir la terre par la décomposition du bois. Petit rappel cependant, cette technique n’est possible que lorsque l’on a du bois à disposition et à proximité de son potager. Nous noterons que la manière dont Philip Forrer fait ses buttes est pertinente puisqu’il habite en milieu forestier. En effet, la permaculture n’est pas une technique culturale mais bien une manière de répondre à nos besoins en prenant en compte les ressources renouvelables qui sont à notre disposition.
Une butte peut se maintenir au moins 20 ans. Philip Forrer n’a pas eu besoin de retourner ni arroser son jardin depuis 25 ans, en dehors des semis et des repiquages.

La construction d’une butte en 6 étapes

Etapes :
1. Creuser le sol de 40 cm de profondeur sur la longueur de son potager

2. Déposer les buches d’arbres dans la tranchée
Le bois déposé doit être du bois mort et sec (généralement du résineux, comme du pin). Leur diamètre peut faire de 15 à 30 cm
Il faut les disposer en forme pyramidale (4 en bas, 3 par-dessus et 2 encore par-dessus) jusqu’à hauteur du genou environ.

3. Couvrir les buches de couverture végétale

4. Recouvrir de terre (utiliser la terre mise de côté à l’étape 1).

5. Recouvrir ensuite de compost

6. Recouvrir, si possible, de feuilles de chênes et de pins

Vous pouvez planter sur les buttes aussitôt.

Il est nécessaire d’ajouter régulièrement de la couverture végétale


Petits conseils supplémentaires :

Il est possible de planter des bouteilles en verre, tête à l’envers, à l’aide un bâton de bois car avec le vent, le bruit du bois contre le verre permet de faire fuir les taupes.

Et d’après Philip Forrer, il est également possible de planter des bâtons de cuivre et de zinc pour favoriser le champ magnétique terrestre car cela favorise la fertilité des sols.

La permaculture : une solution au défi écologique

Aujourd’hui, l’agriculture intensive utilise des engrais azotés qui sont épandus sur les sols dans le but de nourrir les plantes, ce qui multiplie les nitrates et finit par polluer le sol et l’eau. De plus, l’agriculture intensive se fait par la mécanisation, ce qui provoque un tassement du sol par les machines et par conséquent rend le sol moins accueillant pour les micro-organismes qui sont pourtant les seuls à pouvoir créer un sol vivant. Le système d’agriculture intensive que nous connaissons a largement prouvé son effet délétère sur l’environnement. La permaculture permet de répondre au défi qui se pose à nous, celui d’avoir une agriculture durable, qui réponde à nos besoins et qui s’intègre harmonieusement avec la nature.
Sur le terrain couvert d’arbres dont il a bénéficié, Jean-Gabriel Pélissou a dû s’adapter : il a éliminé les arbres qui étaient en excès et a gardé ceux qui apportent les écosystèmes nécessaires à l’agroforesterie, qu’il complétera avec des arbres fruitiers. Il intègre sur son sol des résidus de broyage, de branches, de paille et de déchets verts qu’il récupère pour les utiliser en fumier. Grâce à ce système, et en intégrant du feuillage entre les lignes de semence, il espère pouvoir utiliser très peu d’eau. Il n’a pas besoin d’avoir recours aux pesticides, ni aux compléments d’engrais chimiques. Par rapport au système agricole industriel dans lequel le sol est laissé nu, causant alors des problèmes d’érosion, sur la parcelle de Jean-Gabriel, le sol est toujours couvert par de la matière organique. Le travail du sol est fait par les vers de terre qui s’alimentent de toute la matière organique, en formant de l’humus qui lui-même alimente le sol… c’est tout un écosystème qui se créé et s’auto-entretient.
Il obtient ses semences des fournisseurs classiques en bio, en privilégiant les variétés anciennes pour retrouver la résistance ainsi que la qualité gustative et nutritive qui ont été perdues avec l’agriculture industrielle.
Ce projet municipal sur Canavières correspond à ce que cet agriculteur recherchait, c’est-à-dire un terrain pour s’installer, où la terre soit bonne, et situé à proximité du centre-ville d’Albi pour pouvoir vendre ses légumes localement. Jean-Gabriel Pélissou : « On veut montrer qu’on peut faire du maraichage avec cette technique et en vivre. ».
La permaculture, dans le domaine agricole, aide les agriculteurs et maraichers à réfléchir de façon plus globale pour faire des choix culturaux répondant à un maximum d’enjeux, qu’ils soient économiques ou environnementaux.

POUR ALLER PLUS LOIN


Étudier la permaculture, c’est possible avec l’Université populaire de permaculture

Depuis 2015, l’Université populaire de permaculture propose des formations à distance allant du stage d’initiation au diplôme de permaculture appliquée en passant par des cours certifiés et une spécialisation. Henri Bureau, co-président de l’UPP explique : « Les cours certifiés de permaculture se font sur 12 jours (2 fois 6 jours sur deux sites différents). C’est une unité diplômante pour les BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’exploitation agricole) ».
L’UPP c’est aussi un réseau de concepteurs et de formateurs qui crée des partenariats avec les organisations professionnelles et non professionnelles, et qui accompagne des projets nationaux, européens et internationaux développant la permaculture.
Henri Bureau : « La permaculture dans les lycées agricoles, c’est un grand pas ! ».

Pour en savoir plus : http://permaculturefrance.org/