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LA TRANSFORMATION DU MONDE AGRICOLE ET DE LA CONSOMMATION
La production alimentaire de proximité répond à une demande réelle et croissante de la société. Selon le Ministère de l’agriculture, 71 % des consommateurs français souhaitent contribuer, par leurs achats, au soutien des produits régionaux. La commercialisation en circuits courts concerne toutes les filières, en premier lieu le miel et les légumes (50% des exploitations impliquées), puis les fruits et le vin (25% des exploitations), enfin les produits animaux (10%). En 2010, 107 000 exploitants, soit 21% des exploitations françaises vendaient, en circuits courts et 10 % des exploitations commercialisant en circuit court se sont converties au bio (contre 2% en circuit long), le reste ayant des pratiques proches du bio.
Pour les agriculteurs, les filières agroalimentaires et les territoires ruraux, il s’agit d’une formidable opportunité de développement.
Les avantages des systèmes alimentaires de proximité :
- offrir aux agriculteurs des atouts pour gagner en résilience en diversifiant leurs marchés ;
- rapprocher l’agriculture, les territoires et les consommateurs autour de l’enjeu fédérateur qu’est l’alimentation ;
- valoriser les ressources environnementales et humaines des territoires.
Malgré le développement de ce mode de distribution en diversité et nombre de points de vente, les quantités commercialisées par ce biais évoluent peu, seulement 6 à 7% des achats alimentaires en France se font par des circuits courts.
ALBI : VERS L’AUTOSUFFISANCE ALIMENTAIRE À L’HORIZON 2020
L’autosuffisance alimentaire se définit comme la capacité d’un territoire donné à subvenir à ses propres besoins, à produire les ressources alimentaires nécessaires aux besoins de la population qui le compose.
Atteindre l’autosuffisance alimentaire pour 2020 est le défi ambitieux que s’est lancée la ville d’Albi début 2016. Elle devient la première ville de France de plus de 50 000 habitants à s’engager vers l’autosuffisance alimentaire, qui a été ensuite suivi par la ville de Rennes en Juin 2016.
Afin de répondre aux besoins de la population, les denrées agricoles seront produites à une distance maximale de 60 km. Ce projet veut garantir à tous une alimentation saine et écologique grâce à une agriculture locale et bio. Sans remettre en question l’import de produits plus lointains, la collectivité souhaite rééquilibrer son territoire.
L’autosuffisance alimentaire ambitionne de remettre la nature au cœur de l’urbain pour donner un caractère nourricier aux espaces publics et de relocaliser la production agricole.
En disposant de ressources à proximité, la ville d’Albi vise trois objectifs :
- Réduire l’impact carbone et les émissions de gaz à effet de serre liés aux transports de marchandises ;
- Sécuriser les approvisionnements alimentaires en cas de crise et augmenter ainsi son autonomie alimentaire;
- Assurer une meilleure qualité des produits consommés.
AU PROGRAMME : AGRICULTURE URBAINE ET LOCALE
Pour mener l’autosuffisance alimentaire, Albi repose sur le partenariat d’acteurs divers. Bien que la municipalité d’Albi soutienne ce programme, elle vise, avant tout, les citoyens et les acteurs locaux à porter ce projet.
LA RÉAPPROPRIATION DE L’ESPACE PUBLIC PAR LES ACTEURS LOCAUX
La ville d’Albi a décidé de changer l’usage des espaces publics en leur apportant un caractère nourricier. L’idée consiste à développer les jardins partagés, arbres fruitiers, « keyhole » (potager hors-sol originaire d’Afrique) sur des espaces urbains.
Les Incroyables Jardiniers
Appartenant au mouvement Les Incroyables Comestibles, l’association investit les espaces publics ou privés pour créer des jardins partagés accessibles à tous dans la ville.
A l’heure actuelle, ils ont la charge de jardins partagés à la cité des Amandiers, aux quartiers de Rayssac, au cloître Saint Salvy et un terrain de plus de 1000m² à l’université Champollion. La municipalité a d’ailleurs accueilli Pamela Warhurst, cofondatrice du mouvement Les Incroyables Comestibles en Angleterre, lors des « journées comestibles d’Albi ». Les Incroyables Jardiniers animent également un atelier périscolaire sur le terrain de l’école de Cantepau.
Les jardins de la Madeleine (adhérents au réseau national Jardinot ou Jardin du Cheminot) gère également 4650 m ² de terrain potager.
Les parents d’élèves sont porteurs de projets dans les écoles où des jardins partagés ont été créés. Ces jardins permettent de sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge aux fruits et légumes frais de saison.
Les conseils de quartiers, instance de participation citoyenne ancrée sur le territoire, qui permettent de récolter l’avis des albigeois à propos des projets envisagés. Ainsi, le jardin solidaire du quartier de Rayssac a été aménagé sur décision du conseil de quartier. Quant à l’association Sève et Terre, qui gère le jardin solidaire de Rayssac, elle propose depuis la rentrée 2016 d’initier les habitants au travail de la terre sur une parcelle de 1800m² fournie et aménagée (puits, cabanon pour les outils) par la municipalité d’Albi.
Le service Parcs, Jardins et Espaces Naturels de la ville d’Albi accompagne l’émergence de potagers qui correspondent à un investissement citoyen de la part de nombreux albigeois. Les espaces publics sont mis à disposition par le biais d’une convention pour y cultiver des légumes afin d’encourager le retour à la terre des citadins. Les projets se font au cas par cas, la ville peut accorder des aides indirectes comme le prêt de matériel, le don de compost ou de tonte.
Le jardinage devient ainsi accessible à l’ensemble de la population tout en sensibilisant cette dernière à l’importance du respect des ressources environnementales. Les albigeois profitent du fruit de la récolte de ces jardins et se retrouvent pour des moments d’échange favorisant ainsi la création de lien social.
La ville d’Albi a élaboré une « Green Route » qui comptait, en octobre 2016, 21 stations sur les 24 prévues. Ces stations (jardins partagés, jardins solidaires, keyholes, etc.) sont soit gérées par les services municipaux et/ou des associations. Ce sentier pédagogique permet d’informer les promeneurs des périodes de plantation, de pousse et de cueillette avec notamment des panneaux indicatifs. Fin 2016, une « forêt comestible » était en cours de réalisation. Avec cette « Green Route », la municipalité désire revaloriser le travail du jardiner, y apporter beaucoup d’esthétisme, notamment avec des fleurs comestibles. « Il faut que ce soit bon et beau » précise Jean-Michel Bouat, adjoint au maire d’Albi. En effet, ces terrains cultivés participent à l’impératif patrimonial du classement d’Albi à l’Unesco.
UNE AGRICULTURE RELOCALISÉE
La création de la nouvelle zone maraîchère de Canavières
En bordure du Tarn, se situe la zone de Canavières, vaste friche verdoyante non constructible de 73 hectares, à 15 minutes du centre-ville. Historiquement, ce grand territoire était destiné au maraîchage. Le conseil de quartier de cette zone a été à l’origine des premières discussions pour sa réutilisation afin de lui redonner sa vocation première. La municipalité a délimité en 2010 une Zone d’Aménagement Différée (Z.A.D) correspondant au périmètre du plan de prévention du risque d’inondation albigeois. Elle rachète progressivement les terrains de cette zone pour les proposer à la location. Elle use pour ce faire de son droit de préemption municipal : elle devient prioritaire pour racheter les terrains pendant 14 ans. Les terres préemptées sont ensuite mises à disposition d’agriculteurs urbains, pour un loyer modique de 80€ par an et par hectare (les deux premières années étant gratuites). La ville facilite ainsi l’installation de néo-maraîchers volontaires qui se lancent dans la profession. Pour racheter les terrains, la ville a budgété 300 000 euros. Fin 2016, elle en avait dépensé 120 000 avec le rachat de 9 hectares. Quatre maraîchers y produisent déjà fruits et légumes.
En échange, leurs exploitants devront s’engager:
- A produire une agriculture biologique ;
- A vendre leurs produits dans un rayon de 20 km afin d’encourager le développement de circuits courts de proximité (paniers, vente en ligne, écoles, etc.).
En 2017, sera ré-ouvert l’ancienne halle du quartier de Castelviel (fermée en 1968) pour y créer un marché local de producteurs. Cette zone de culture présente à la fois la possibilité de travailler la terre tout en ayant les avantages de la ville à proximité. Pour Jean-Michel Bouat, « c’est la création d’un nouveau métier : celui de paysan urbain. Ce sont des jeunes gens qui ont des projets de vie qu’ils veulent réalisés près des villes ». Il y a d’ailleurs déjà plusieurs dossiers de futurs maraichers en attente de terrains.
Le Lycée agricole Fonlabou
Le Lycée d’Enseignement Général, Technologique et Professionnel Agricole d’Albi-Fonlabour est le principal établissement public d’enseignement et de formation professionnelle agricole du département. Il possède une ferme d’application de 120 hectares et a décidé de transformer un hectare par an en agriculture de proximité pour créer une légumerie collective. N’étant pas distributeur, le Lycée a signé la première convention avec la grande distribution.
La restructuration de la ceinture agricole d’Albi
Bien entendu, l’agriculture urbaine n’est pas suffisante pour permettre d’atteindre l’objectif d’autosuffisance alimentaire d’ici 2020. Albi est une commune de 4 400 hectares dont 1 200 hectares de surfaces exploitables. Pour permettre l’approvisionnement des 51 000 habitants de la ville, la mairie a mis en place un programme de circuits courts pour les agriculteurs de la commune. La nouveauté est que les échanges commerciaux se font directement entre le producteur et la grande distribution. L’idée est de favoriser la transformation des modes de production et d’ouvrir un nouveau marché pour les exploitants insatisfaits du marché conventionnel.
LA DISTRIBUTION
Les distributeurs doivent également être convaincu de s’approvisionner auprès des producteurs locaux. Pour l’instant, deux enseignes de grande distribution peuvent acheter localement. Les autres doivent passer par des centrales d’achat. Deux hypermarchés du territoire albigeois ont ainsi décidé de jouer le jeu et de signer des conventions d’approvisionnement local. Avec des consommateurs qui se détournent de plus en plus des produits importés.
« Si j’ai un conseil à donner à des collègues qui voudraient reproduire cette démarche, n’amenez pas tout prêt, ne municipaliser pas le projet. Il faut trouver les acteurs locaux qui porteront le projet » : Jean-Michel Bouat, adjoint au maire, délégué au développement durable, à l’agriculture urbaine, à l’eau et à la biodiversité.
UNE DIVERSITÉ DE CULTURES EN VILLE
Les potagers et jardins créés dans la ville sont élaborés selon divers techniques. On peut trouver dans des quartiers des cultures sur butte et BRF, des Keyhole Garden ou bien des cultures en lasagne.
Culture sur butte et BRF
Le Bois Raméal Fragmenté désigne un mélange non composté de copeaux de bois obtenus après broyage de fines branches, issues majoritairement d’arbres feuillus.
Ce broyage est introduit dans la couche supérieure du sol ou en paillis. Cette technique de culture agricole cherche à améliorer la structure du sol afin de recréer un sol riche en micro-organismes et aéré. Elle s’inspire de la formation des sols des forêts où, avec le cycle naturel des saisons (vent, pluie), les branches des arbres tombent au sol.
En se décomposant, le B.R.F contribue au développement d’êtres vivants (invertébrées, bactéries, microorganismes, insectes, vers, etc.) qui par leur actions permettent d’améliorer la qualité du sol :
- Structure souple et aérée avec formation d’humus ;
- Apport nutritionnel pour les plantes ;
- Contention des herbes indésirables ;
- Régulation des ravageurs et des maladies.
(Pour plus d’informations : site du BRF Génération)
Le Keyhole Garden
Le Keyhole Garden (littéralement jardins en forme de trou de serrure) est une technique potagère élaborée en Afrique dans des régions arides.
C’est un petit potager circulaire au centre duquel est installée une zone de compostage. La zone de plantation elle, s’organise tout autour. La colonne de compost sert également de distributeur d’eau et permet une diffusion lente, continue et homogène des nutriments à toute la com¬mu¬nauté de plantes au¬tour.
Le Keyhole Garden est particulièrement adapté à la culture en ville, il concentre sur un même espace les cultures et le compostage, et son besoin en eau est limité. Il permet ainsi de cultiver sur de petites surfaces et ainsi de concilier la problématique de production dans un espace urbain souvent restreint.
Potager en lasagne
Le potager en lasagne est une technique de culture qui consiste à créer un sol là où il n’y en a pas ou lorsque celui-ci est peu productif (rocailleux, sablonneux, argileux, etc.). Il s’agit d’une culture hors-sol. De fait, le potager en lasagne peut s’installer n’importe où et notamment en milieu urbain. Le principe est d’étaler une première couche de carton sur le sol, puis d’alterner des couches de matière fraîche azotée (gazon, herbe fraîche, feuilles vertes) et de matière sèche carbonée (feuilles mortes, paille, broyat), pour finir par une couche de mélange terreau/compost. Le tout forme un sol permettant d’accueillir un jardin potager. Des micro-organismes vont alors migrer du sol vers la lasagne pour participer à la décomposition de la matière qui sera directement assimilable par les plantes.
PERSPECTIVES
La reconquête de certains espaces privés non utilisés sera la prochaine étape. Prochainement, une plateforme communautaire informatique devrait voir le jour pour mettre en relation des jardiniers volontaires avec des propriétaires terriens ayant délaissé leur terrain. Ces jardiniers pourront leur redonner une utilité en y faisant pousser fruits et légumes. Une manière d’utiliser chaque carré de terre disponible
Toujours plus loin démarche …
Lors du concours Capitale française de la Biodiversité 2016, Albi a été élue « Meilleure Ville Moyenne pour la Biodiversité 2016 », dans la catégorie 20 000 à 100 000 habitants. 71 autres villes et intercommunalités étaient également en lice pour cette 6ème édition du concours dont le thème central était cette année « Sols & biodiversité ».
Le jury a notamment mis en avant :
(voir http://www.capitale-biodiversite.fr/sites/default/files/rapport_de_visite_albi.pdf )
- l’engagement de la collectivité sur le thème de la biodiversité ;
- la promotion de l’agriculture urbaine et la préservation des terres agricoles périurbaine ;
- la conception et la gestion écologique des espaces (objectif « zéro pesticide », valorisation de la flore spontanée en ville, etc.) ;
- la politique de maîtrise de l’urbanisation (densification intelligente, intensification écologique dans chaque opération, études naturalistes, schéma TVB, diagnostic agricole, etc.) ;
- l’implication des citoyens et associations (Ligue pour la Protection des Oiseaux du Tarn, Office pour les Insectes et leur Environnement, Les Incroyables Comestibles, etc.).
Enfin, le fait de tendre à l’autosuffisance alimentaire en 2020 a certainement favorisé la sélection de la municipalité.
L’édition 2016 du concours a permis de mettre en avant l’importance du sol comme support de la biodiversité et le rôle des collectivités pour en assurer la préservation. En 2017, l’opération Capitale française de la Biodiversité se penchera sur le thème « Aménager, rénover et bâtir en favorisant la biodiversité ».
SAVIEZ-VOUS QUE… ?
Le Ministère en charge de l’Agriculture a présenté, en 2009, un plan de soutien aux circuits courts avec l’objectif de mieux valoriser les productions, de créer des emplois et de mettre en place une nouvelle « gouvernance alimentaire » à l’échelle des territoires.
BILAN
Le projet d’autosuffisance alimentaire est une grande ambition pour la ville d’Albi. Il peut répondre à l’ensemble des problématiques du développement durable. Le citoyen occupe une place importante dans ce programme, il doit être éveillé par ces nouveaux modèles de consommation pour que sa mobilisation soit grandissante. Chaque acteur à son importance dans la réussite de ce projet. Reste à voir si, d’ici 2020, les Albigeois seront autosuffisants.
Pour plus d’informations :
FNE Midi-Pyrénées
Maison de l’environnement
14 rue de Tivoli – 31000 Toulouse
www.fne-midipyrenees.fr
05 34 31 97 83
e.marsaud@www.fne-op.fr
Mairie d’Albi
16 rue de l’Hôtel de Ville
81023 ALBI Cedex 9
05 63 49 10 10
Crédits photos site official d’Albi, ©Freepik, ©FNEMP
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