Le 19 juin la DREAL dévoilait le projet de nouvelle délimitation de la Zone Vulnérable Adour-Garonne lors d’une réunion de concertation. Depuis les syndicats agricoles majoritaires et les Chambres d’Agriculture affichent leur mécontentement face au nouvelles zones pressenties et à la méthode employée. Les Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement (APNE) du bassin, réunies sous la bannière du Collectif FNE Adour-Garonne, dénoncent la pression de la profession agricole et rappellent le coût des nitrates pour l’environnement et les contribuables…
Petite mise au point sur la Directive Nitrates et la situation en Adour-Garonne…
Les objectifs de cette directive sont de réduire la pollution des eaux (eaux souterraines, rivières, lacs, eaux littorales) par les nitrates d’origine agricole, et d’en prévenir l’extension territoriale par des mesures appropriées et des contraintes règlementaires. Pour cela des zones dites « vulnérables » doivent être délimitées sur des critères de concentration en nitrate des eaux de surface ou souterraines.. Sont considérées comme vulnérables les zones dont les nitrates dépassent le seuil de 50mg/l (seuil règlementaire pour l’eau potable) ou atteignent 40mg/l avec tendance à l’augmentation. Pour les lacs et eaux littorales les normes sont plus sévères et le critère « présence ou risque d’eutrophisation » est prépondérant (concerne le seul bassin d’Arcachon, milieu fragile et à fort enjeu touristique, en Adour-Garonne). Par commodité et dans un souci d’efficacité, la délimitation épouse les limites communales.
La dernière révision des zones vulnérables date de 2007. La Commission Européenne estime que, en France en général et en Adour-Garonne en particulier, certains secteurs auraient dû, au regard des taux de nitrates relevés, être classés ZV à cette époque mais ne l’ont pas été ! Elle attend donc la désignation d’une surface plus étendue associée à un meilleur lissage des contours (moins de dentelle). Le projet de zonage élaboré et proposé le 19 juin par la DREAL répond à ces injonctions, mais surtout se base sur les mesures de la dernière (5e) campagne de surveillance (2009-2011) et l’évolution depuis 2004-2006. La profession agricole, elle, tend à y voir une allégeance servile à l’Europe et conteste le projet. De plus ce « rattrapage » de zones masque, à ses yeux, les efforts de la profession (lesquels, il faut bien le constater, sont globalement loin d’être flagrants en termes de résultats) et ternit son image.
Ne pas oublier les impacts des nitrates sur les milieux aquatiques et le porte-monnaie du contribuable !
Face à la victimisation du secteur agricole rappelons que l’excès de nitrates dans les milieux aquatiques impose le recours à des traitements coûteux pour rendre l’eau potable. C’est par ailleurs une des substances principales, avec le phosphore, qui favorise l’eutrophisation – prolifération d’algues et autres végétaux qui perturbe l’équilibre des écosystèmes aquatiques et entraîne une dégradation de la qualité de l’eau. « Au delà de l’impact qu’aurait le nouveau classement en zone vulnérable sur les agriculteurs, ce qui est sûr c’est que la pollution par les nitrates agricoles a depuis et pour longtemps un impact fort sur le porte- monnaie du contribuable (estimation entre 950 et 1330 M€/an) ! Via la facture d’eau (estimation entre 480 et 930 M€/an), les dépenses additionnelles telles que l’eau en bouteille ou les carafes filtrantes (estimation entre 370 et 400 M€/an) et bientôt via le contentieux européen qui menace la France ! » rappelle Rémy Martin, Président de FNE Midi-Pyrénées, se référant au rapport du CGEDD1 sur « Le financement de la gestion des ressources en eau en France » actualisé en janvier 2012 (voir tableau ANNEXE).
« La redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique des activités d’élevage, fixée au niveau national, ne rapportera qu’environ 1, 2 M€ à l’Agence de l’eau Adour-Garonne entre 2013 et 2018 (Xe programme d’interventions) et rappelons qu’il n’existe pas de redevance pour les engrais azotés de synthèse…. pourtant le Conseil d’État le recommande dans son rapport « L’eau et son droit » sorti en 2010», précise Frédéric Caméo-Ponz, représentant des APNE et administrateur à l’agence de l’eau Adour-Garonne. Enfin l’action des Agences de l’eau pour lutter contre les nitrates semble bien limitée en termes de coût-efficacité. Difficile de faire face aux intérêts des entreprises chimiques, prescripteurs, coopératives et leurs VRP comme le révèle le rapport final d’évaluation des aides de l’agence de l’eau Loire Bretagne en faveur de la réduction des nitrates d’origine agricole (février 2011).
La pollution par les nitrates d’origine agricole semble encore promise à un bel avenir…
ANNEXE : Estimation des dépenses annuelles en millions d’euros, en France, liées aux pollutions agricoles et en particuliers ici les nitrates (Source CGDD/SEEIDD/ERNR2, 2010-2011)
Auquel on pourrait ajouter les quelques 700 M€ d’aides accordées par l’Etat, les collectivités territoriales et les Agences de l’eau au titre du PMPOA 2 entre 2002-2007 (Source Agreste), et au moins autant pour le PMPOA 1 (1994-2000)…. Ces aides étaient destinées aux éleveurs qui souhaitaient mettre en conformité leur exploitation au regard de la gestion des effluents issus de leur élevage et qui s’engagent à adopter des pratiques culturales conformes aux exigences environnementales et agronomiques de la réglementation, dans le but de juguler la dégradation inquiétante de la qualité des eaux.
SOURCE : Études & Documents n° 62 du CGEDD sur « Le financement de la gestion des ressources en eau en France », actualisé en janvier 2012.
* Qu’est-ce que le collectif FNE Adour-Garonne ?
Sous l’impulsion de FNE Midi-Pyrénées, les 6 fédérations régionales de France Nature Environnement situées sur le bassin Adour-Garonne – FNE Midi-Pyrénées, SEPANSO2 (Aquitaine), PCN3 (Poitou-Charentes), LNE4 (Limousin), FRANE5 (Auvergne) et LRNE
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(Languedoc-Roussillon) – ont décidé de se regrouper au sein d’un collectif, afin de renforcer leurs positions et actions dans le domaine de l’eau. Initialement appelé « Ass’Eau BAG » lors de sa création en février 2010, il devient le collectif « FNE Adour-Garonne » fin 2011. Il agit en coordination et cohérence avec le Réseau Eau national de France Nature Environnement.
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